Le cri de la douleur
- astridmariesallets
- 30 avr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 avr.
Il était une fois ces zones en nous qui crient…
Ces zones où j’accumule de la frustration, où je ne sais ni plus comment faire, ni comment m’exprimer pour être comprise et entendue par l’autre. Et où parfois je finis par enfouir mon cri, à l’oublier.

Au juste dans ces zones-là, il y a un grand trésor.
Car ces zones frustrées et en souffrance datent de bien avant la relation de couple. En particulier, ces besoins que je ne parviens pas à transmettre à mon partenaire correspondent aux besoins qui déjà n’étaient pas pleinement vus ou conscientisés par les personnes qui se sont occupé de moi enfant.
Alors j’ai quitté ma façon naturelle et authentique de demander, de m’exprimer. À la place je me suis mis(e) à emprunter d’autres voies/voix plus tordues pour tenter de me faire entendre. Et l’une d’elles est devenue mon habitude. J’ai fini par adopter cette voie/voix qui n’est pas ma voix première, naturelle... À chacun la sienne :-)!
Et toi, comment résonne la tienne ? Comment résonne ta voix d’habitude ?
Blasée, tue, nerveuse, discrète, langoureuse, guillerette, aboyante, stridente, sèche, apeurée ?
Et si nous retrouvions notre voix authentique ?
Et si nous exprimions nos frustrations avec cette voix racine, serions-nous beaucoup mieux entendus ?
Je te propose ici un exercice pour venir rire avec ta voix, jouer avec elle, l’embrasser, retrouver ton naturel ! Puis en seconde partie, je t’offre un guide pour passer d’une frustration fermée, à un cœur curieux, disponible et ouvert à recevoir.
Cette première partie de l’exercice, tu peux la vivre avec ton partenaire ou un(e) ami(e) : vous allez jouer avec vos voix ensemble.
Je vous invite tous deux à vous mettre debout et à sentir vos corps souples : vous pouvez secouer légèrement les pieds pour relâcher les chevilles, les jambes. Montez, descendez vos épaules, balancez vos bras, vos coudes… Faites ce dont vous avez besoin pour vous sentir un minimum dégourdis avant de commencer.
Puis testez ces 5 cris d’animaux ensemble : amusez-vous à essayer à les incarner pleinement. Et surtout, regardez-vous dans les yeux tout au long de ces essais de sons : le miroir que vous offre votre partenaire est essentiel. Faites vous plaisir !
- le « ssssssssss » du serpent
- le « rrrha » du renard (un « r » qui part du fond de la gorge)
- le « ououououou ouou ououou » du chien (qui a envie ou qui est triste)
- le sifflement d’un oiseau
- le « toctoc toctoc toctoc » du galop du cheval (soit un son qui « frappe »)
Vous voilà tous les deux à présent plus à même d’être curieux les jours à venir de votre voix : « Tiens là elle est plus aiguë », « Ici je prends une voix plus grave », « Pourquoi je me mets à parler plus vite ? », « Je parle plus bas à présent… ». Gagnez en conscience de votre voix : Résonne-t-elle libre ?
La seconde partie de cet exercice se vit individuellement.
Prends de quoi écrire, et installe-toi confortablement. Ensuite, note et complète ces 5 amorces de phrases. Veille éventuellement à prendre un temps de centrage au préalable, l’idée étant de « laisser parler ton cœur ». Laisse toi surprendre par ce que tu écris.
- Une qualité que j’apprécie particulièrement chez (prénom de ton partenaire)…
Veille à laisser passer ici les trois premières qualités qui te viennent à l’esprit spontanément, note uniquement la quatrième qualité. Ensuite prends le temps de t’imprégner de ce que tu viens d’écrire.
- Une chose qui me frustre dans ma vie de couple c’est le manque de…
Si plusieurs manques te viennent, tu peux les écrire chacun. Puis choisis celui-là qui te touche particulièrement et entoure-le.
- Dans cette zone-là de notre relation, je me sens…
En posant ton attention sur le manque que tu as entouré, vois les émotions qui sont là en toi. Prends le temps de regarder toutes les émotions présentes et note-les l’une après l’autre. Si tu manques de mots pour nommer précisément tes émotions, utilise des images. Par exemple : « je me sens toute petite », « je me sens comme un gros sac qui va bientôt fissurer », « j’ai de la colère » etc. L’idée n’est pas tant de plonger dans tes émotions pour les décrire, tu peux simplement « rester au bord du lac avec un orteil, une main dedans ou tes deux pieds » pour les goûter simplement, les voir chacune.
- Ce que tout cela m’évoque de mon enfance…
En relisant les émotions que tu viens de noter, vois si un souvenir précis te remonte ou le souvenir d’un contexte global de ton enfance ou de ton adolescence.
- Ce qui m’a particulièrement concrètement manqué enfant/ado…
Écris ici toutes les choses qui te passent à l’esprit, ne te censure pas même quand cela t’étonne. Vois si l’une de ces choses te touche particulièrement et entoure celle-là qui à cet instant te touche le plus.
Voilà qui termine ce second temps de l’exercice. Je t’invite à être curieux(se) dans les jours à venir de ce qui pourrait avoir bougé dans ton lien à ton/ta partenaire. Car d’être intérieurement plus réceptif(ve) et conscient(e) de ton besoin, te permet de recevoir plus fluidement (et parfois même sans le demander) ce que tu souhaites profondément. Tu es à présent ouvert(e) à recevoir, là où tu étais pris(e) de frustration.
Note que cette écriture « par amorces », tu peux la revivre autant de fois que besoin. Entièrement (toutes les amorces) ou partiellement (une ou quelques amorces au choix).
Enfin, tu pourrais d’autre part ressentir l’élan de partager ton écriture à ton/ta partenaire, ou d’écouter la sienne. Vérifiez dans ce cas chacun votre disponibilité à offrir votre écriture d’une part et à recevoir la sienne d’autre part. Ce partage peut se vivre dans les deux sens, ou dans un seul sens, selon vos disponibilités respectives.
Quand nous nous exprimons à notre partenaire, non plus depuis notre frustration, mais depuis cet espace curieux, ouvert et sensible à nos ressentis dans la situation… Cela change tout. C’est ce que j’appelle « parler de sa douleur depuis le cœur et non pas depuis la blessure ».
Parler de sa douleur depuis le cœur change tout.
Il n’y a là aucun reproche, aucune exigence, juste une voix accueillante, chaude et sensible,
ouverte à recevoir.
A l’inverse, parler depuis notre blessure, enserre, étrique, grince notre communication. Cela ferme notre cœur quand bien même nous sommes en train de nous exprimer. Inconsciemment nous nous fermons alors que nous désirons tellement recevoir.
Et puis il y a ces grandes blessures. Celles-là plus profondes, plus enfouies encore pour lesquelles parler depuis le cœur ne suffit pas toujours à enclencher un changement.
De la puissance est nécessaire.
Heureusement, nous avons non seulement chacun une voix racine : cette voix authentique qui est naturellement là quand nous parlons depuis le cœur. Mais nous avons tout un chacun aussi une voix de puissance pour nous permettre de « crier depuis le cœur » : un cri chaud et vivant.
Pensez à ces chanteurs et chanteuses, à la voix puissante, qui vont jusqu’à laisser transparaître leur âme sur scène. Nous avons ainsi tout un chacun une voix de puissance capable de générer une vibration telle qu’elle ne laisse personne indifférent sur son passage. Une vibration qui allume quelque chose dans le cœur de celui/celle qui l’émet et de ceux et celles qui la reçoivent.
A l’inverse, crier (véritablement ou en silence) depuis notre souffrance, accentue notre blessure. Ce cri est vif, creux et coupant. Il nous coupe de qui nous sommes véritablement, il nous coupe de notre être vivant et chaud. Il creuse notre souffrance.
Alors engageons-nous avec amusement et conscience sur ce chemin vers notre voix naturelle et notre voix de puissance. De vraie note en fausse note et de fausse note en vraie note, apprenons à exprimer nos besoins le cœur ouvert à recevoir.

Au cabinet, entendre les couples retrouver pas à pas cette expression ouverte, puis puissante, de leurs besoins me touche beaucoup. Et ce qui me touche particulièrement, c’est l’effet de leur voix de puissance sur leur partenaire.
Pour celui/celle qui écoute, quelque chose s’allume là où s’était éteint.
Un élan rejaillit. Un élan de s’offrir.
A mon sens, on ne se rencontre pas par hasard. On ne tombe pas amoureux par hasard, on tombe amoureux des personnes qui portent les mêmes blessures que nous, les mêmes manques dans l'enfance (manque de toucher tendre, de fermeté bienveillante, d'accueil sincère.. par exemple). Nous avons peut-être développés des stratégies très différentes pour vivre avec ces manques. Et ces stratégies nous opposent, elles peuvent même nous rendre pires ennemis : les stratégies que mon partenaire a développées sont très à même d’appuyer là où ça fait mal chez moi. Et inversement, celles que j’ai moi développées, dont je ne suis pas toujours conscient(e), appuient particulièrement sur ses blessures. Et…
Alors que nos stratégies nous opposent, qu’en surface nos besoins se révèlent incompatibles, dans le fond, nous avons non seulement la même blessure mais aussi le même besoin. Nous n’avons l’un comme l’autre pas appris à répondre à ce besoin de fond, commun, de façon équilibrée.
Il y a là un grand trésor. Quand nous revenons à la racine, à ce besoin commun, caché derrière nos attentes respectives, celui-là peut nous rendre meilleurs amis. Qui peut mieux entrer en compassion avec notre souffrance que les personnes qui ont vécu la même blessure, le même manque que nous.
Il y a là le potentiel d’un grand terrain d’amitié, de compassion mutuelle, et de croissance.
C’est emplis de cette compassion mutuelle que nous pouvons alors marcher ensemble, main dans la main sur notre chemin de couple. Comme de grands enfants qui aiment découvrir, apprendre, s’essayer, nous pouvons faire délicieusement équipe vers une vie plus équilibrée.
Et s’offrir des cadeaux ! Car c’est en offrant ce qui m’a manqué enfant, qu’est là la voie la plus puissante de ma guérison. On pense souvent avoir besoin de faire l’expérience de recevoir pour seulement ensuite pouvoir offrir… et si on inversait cette donne ? Et si j’osais déjà m’offrir ? Et si je m'essayais à ce toucher tendre, cette fermeté bienveillante, cet accueil sincère,... que j'ai peu reçus ? Je suis au départ assez gauche, c’est sûr, dans ces zones où je n’ai pas reçu. Et si j’y allais quand même, main dans la main avec ma maladresse ?
Quand j’entends mon partenaire exprimer son besoin depuis sa voix de puissance, ça allume quelque chose en moi. Ça allume particulièrement quelque chose en moi car on ne s'est pas rencontrés par hasard. Ça allume ce manque que moi aussi je porte et que j’avais oublié (manque de toucher tendre, de fermeté bienveillante,...). Ça allume cette envie de lui offrir ce dont moi aussi j'ai pourtant besoin et que je laisse à présent exister. A mon rythme et avec indulgence, je m’essaie à lui offrir et en lui offrant le cœur ouvert je me guéris.

Dans ces zones qui crient en chacun de nous dans la relation, il y a finalement le potentiel d’une puissante croissance mutuelle (qui peut se vivre mais ne doit pas toujours se vivre).
Nos voix puissantes sont capables d’allumer chez l'autre ses zones oubliées et de réveiller en lui/en elle le courage d’offrir et ainsi combler ce qui lui a tellement manqué.
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